Assemblée
Nationale - Audition
Evolution
du système de retraite français
Intervention de JP BULTEZ
Représentant l’association
des petits frères des Pauvres France
Membre de la Coordination
AGE France
a. Pour l’ASPA
b. Pour le minimum contributif
La réforme d’un système de retraite est appelée à répondre à de
multiples attentes. Pour ce qui nous concerne, c’est autour des minima de
retraites et de ressources non contributives que nous voulons porter
l’attention. En effet, l’association accompagne depuis plus de 60 ans des personnes
âgées isolées, démunies et en précarité, dès l’âge de 50 ans.
L’expérience vécue par les bénévoles qui accompagnent les personnes
âgées, ainsi que les professionnels qui les soutiennent, fait se rencontrer des
générations différentes mais un même désir de vivre et de partager.
C’est au nom des personnes accompagnées et des bénévoles que les
attentes qui suivront seront exprimées. Mais nul doute que l’audition des
personnes âgées elles mêmes, vivant des minima sociaux eut pu aussi être
organisée.
Par ailleurs, l’allongement de l’espérance de vie conduit des personnes
à entrer en « retraite » pour de longues années. Mais les handicaps,
les formes de dépendances, l’isolement apportent des ombres à ce
vieillissement. Aussi, l’articulation entre revenus monétaires (ressources)
dans le vieillissement doit être articulée avec les services d’aide aux
personnes (santé, soins, transports, etc, ) répondant à leurs besoins.
1-Une évolution certaine des ressources des
personnes retraitées
Constatons que les personnes
retraitées ont historiquement bénéficié de meilleures conditions de retraite,
du fait essentiellement de meilleurs emplois, d’un taux de mise à l’emploi plus
élevé, etc …
Le raccordement entre les
situations des retraités et leur rapport à la pauvreté est délicat à établir.
En effet, le taux de pauvreté est établi par Unité de Consommation (UC), donc
par ménage avec une pondération selon une échelle d’équivalence(Oxford
rectifié).
Les documents publiés par
l’INSEE, sans entrer dans un débat de fond sur ce qu’il convient de prendre en
compte dans ces ressources (ressources issues du patrimoine, loyers imputés ou
non) font apparaître que le niveau de
vie moyen des retraités est très proche de celui des actifs (valeur
€2007) : 21540 contre 22470 euros pour les actifs de 18 ans ou plus.
Si l’on regarde le niveau de
vie à partir de la médiane (50% des revenus sont au dessous et 50% au dessous),
hors revenus du patrimoine, le rapport des niveaux de vie entre retraités et
actifs est inchangé.
Avec les revenus du
patrimoine, la situation des retraités relativement aux actifs est moins
favorable.
Quoi qu’il en soit, il
existe de fortes inégalités entre les retraités comme entre les actifs.
Le taux de pauvreté (à 60%
de la médiane des revenus) des personnes âgées ressort à 9.7% (valeur 2007),
contre 9.8% pour les actifs(valeur 2006) et 13.4% pour l’ensemble de la
population (valeur 2007).
Une analyse par décile de
revenus montre que le niveau de vie du 1° décile des revenus des personnes
âgées évolue régulièrement à la hausse, ce qui fait diminuer d’autant le nombre
de ressortissants du « minimum vieillesse ». Pour autant la situation
est-elle stabilisée et satisfaisante?
2- Une différence Hommes/
Femmes qui s’atténue
Après avoir positionné la
question des ressources des personnes âgées, regardons plus spécialement ce qui
concerne les inégalités entre Hommes et Femmes.
Si l’évolution des pensions
perçues par les femmes évolue très favorablement depuis de nombreuses années,
il n’en reste pas moins que le poids des modèles sociaux et familiaux reste
très fort (modèle de l’homme au travail et de la femme au foyer). On peut donc
souhaiter agir sur les mécanismes de calcul des pensions pour réduire l’impact
de situations vécues par les femmes, mais cela ne doit pas oblitérer les enjeux de société plus globaux.
Les inégalités de revenus
entre hommes et femmes subsistent, du fait des emplois moins qualifiés, des
types de contrats, des niveaux de rémunérations, des discriminations à
l’embauche, des « plafonds de verre », toutes choses déjà bien
analysées. Le récent choix de partager les annuités attribuées aux femmes de
deux années pour chaque naissance entre la mère (un an de droit) et le père (un
an possible) peut aussi apparaître comme
un vecteur de réduction de la pension des femmes, indépendamment des
conséquences indirectes ou directes liées à la naissance d’enfants.
Extrait de la Commission des
comptes de la Sécurité Sociale 2009
3-Les retraités et le « minimum
contributif »
Le « minimum
contributif » permet aux personnes retraitées, ayant une retraite au taux
plein, mais ayant cotisé sur la base de salaires modestes (SMIC) de voir leur
retraite majorée jusqu’à ce « minimum ». Celui-ci est fixé au 1°
avril 2009 à 590.33 €.
Une majoration modeste est
accordée depuis la loi de 2003. Mais depuis 2009, cette majoration n’est
accordé que si le/la retraité(e) a
cotisé 120 trimestres (ou 30 ans) et se monte à 54.74 euros par mois. Au total
le minimum contributif majoré est établi à 645.07€.
Ce dispositif prend une place très importante dans l’ensemble du système de retraite.
En effet, sous l’angle du genre, 70% des pensions versées à des femmes incluent ce minimum contributif et pour 50% des femmes ayant des droits propres, le complément est assuré par le MICO (MInimum COntributif).
Comme le minimum contributif
est défini comme un différentiel, seuls 10% des retraités ont le MICO entier.
Enfin, notons que 50% des
bénéficiaires du MICO ont une durée d’assurance inférieure à la durée requise
pour le taux plein (120 trimestres).
La condition de durée de 120
trimestres pour bénéficier de la majoration du minimum contributif n’est
couverte que pour 40% des femmes et 60% des hommes : l’inégalité est ainsi
renforcée.
4
- Le minimum vieillesse – Allocation de Solidarité aux Personnes Agées
Point n’est besoin de
rappeler ce qu’est le minimum Vieillesse et ses évolutions. Nous concentrons
notre réflexion sur le rapport entre ce minimum et le seuil de pauvreté pour
les personnes isolées ou les retraités en couple.
A l’évidence, le décrochage
est réel. Le rattrapage mis en place par le Gouvernement de +25% en 5 ans pour
les personnes isolées, va dans le bon sens. Mais quid des ménages pour qui
aucun rattrapage n’est envisagé.
Le lien avec le « seuil
de pauvreté » est un point fondamental. En effet, dans l’Union Européenne,
le consensus s’est établi pour déclarer que le seuil de pauvreté s’établit à
60% de la médiane des ressources d’un foyer, conduisant à considérer que l’on
est « pauvre » dans une société au regard de la richesse générale de
cette société, dont on partage les modes de vie.
5-Quelles attentes ?
a.
Pour l’ASPA
b.
Pour le minimum contributif
Pour l’ASPA :
-
maintenir un dispositif de type ASPA pour satisfaire aux principes
constitutionnels dont celui qui dit « alinéa 11 de la Constitution de
1946 : « Tout être humain,
qui, en raison de son âge (…) se trouve dans l’incapacité de travailler a le
droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence »
-
rattrapage avec le « seuil de pauvreté » pour les personnes
isolées comme pour les couples
-
comparaison et réflexion avec ce qu’est un revenu « décent »
et adéquat, sur la base du consensus (expérience de le John Rowntree
Foundation)
-
liens avec les tarifs sociaux
-
accès aux soins avec une articulation cohérente avec les seuils CMU
notamment.
Pour le Minimum
contributif :
-
réflexion sur le niveau de vie décente
-
suppression de la règle des 120 trimestres pour obtenir la majoration
-
lien entre le minimum contributif et le seuil de pauvreté
Plus largement :
Les évolutions de notre société sont à prendre en
compte : carrières interrompues ou saccadées, amenuisement des liens
conjugaux, familles monoparentales, développement du PACS. De même, l’allongement
de l’espérance de vie conduit de plus en plus de familles à devenir des
« aidants », rôle assurée essentiellement par les femmes, ce qui
contribue en sus à la réduction de leurs carrières professionnelles. Des
aménagements ont été apportés pour les périodes de fin de vie des parents quand
on souhaite rester proche d’eux.
Dans l’hypothèse d’un remaniement substantiel du
système, à l’image du dispositif du RSA, on pourrait envisager que l’on ait une
articulation entre une pension minimale (comme le RSA socle) combinant l’actuel
minimum contributif ou le minimum vieillesse et une pension calculée selon des
paramètres établis. Une majoration pour les personnes ayant travaillé et cotisé
serait alors comprise. De même on aurait ainsi un complément de retraite (un
différentiel) en cas de montant inférieur à cette valeur socle.
Lutter
contre les inégalités hommes femmes, travailler sur la répartition des rôles
hommes/femmes dans la société et la vie familiale, comme dans la vie
professionnelle.
13/01/2010
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire