samedi 24 mars 2012

Programme National de Réforme 2012 (version CNLE) commentaires JP BULTEZ


PNR 2012 Pauvreté et exclusion sociale : observations de JP BULTEZ
Dans le PNR 2012 , la présentation des objectifs aborde plusieurs sujets dont la réduction d’un tiers de la pauvreté d’ici 2012, à partir d’un point de départ de 2007. L’indicateur retenu étant le taux de pauvreté ancré dans le temps.
Constatons que le taux de pauvreté générale (13,5%) au seuil de 60% du revenu médian, augmente légèrement, ce qui déjà constitue une alerte. Ensuite, si ce taux se différencie selon les publics, il est clair que pour les personnes âgées, ce taux présente la particularité pour les plus de 75 ans, femmes, de se situer à un haut niveau (12,4%). Cela résulte des paramètres connus sur le sujet : faibles cotisations des femmes, parce que faible activité durant la vie active, dûe au marché du travail comme aux modèles professionnels, familiaux et culturels. Ce point est déjà très documenté.
Dans la partie modernisation Page 21, la mention des services à la personne ne s’intéresse qu’à la partie réglementaire et oublie la difficile situation des associations du fait des écarts entre les tarifs pratiqués et ceux qui sont pris en charge par les aides départementales ou locales. Nombre d’associations ont déposé le bilan et l’administration centrale a dû mettre en place un groupe de travail sur la tarification des services.
L’emploi des seniors Page 24: certes le taux d’emploi augmente depuis quelques années, en partie grâce aux mesures prises , mais dans le même temps le taux de chômage des seniors augmente lui aussi.
Education et formation au long de la vie Page 28 : La question des moyens de Pôle emploi pour recevoir et accompagner des personnes durablement  éloignées du marché du travail reste posée. Outre la réorganisation entre l’ANPE et les Assedic, la question des moyens humains d’accompagnement reste primordiale parce que largement sous dimensionnée en France, comparée aux pays voisins.

Commentaires sur la ligne 10 du PNR : Promouvoir l'inclusion sociale et lutter contre la pauvreté

1° observation : la pauvreté augmente (au taux de 60% du revenu médian), même si les indicateurs habituels n'en donnent pas un reflet très net : l'ONPES pointe une faible augmentation générale, mais un accroissement de l'intensité de la pauvreté, ce qui veut dire que le suivi des populations "pauvres" autour de 40% du revenu médian devient crucial et que la question de la réversibilité des situations sera plus difficile à résoudre à l'avenir. Le premier paragraphe mentionne l'objectif de réduction du taux de pauvreté ancré dans le temps d'un tiers en 5 ans (2007-2012) mais ne dit pas qu'il ne sera pas atteint, en l'état des chiffres connus. Le suivi de l’objectif européen de réduction de la pauvreté reste compliqué quand les références françaises s’appuient sur un objectif de réduction d’un tiers sur 5 ans, mais avec un autre indicateur, celui du taux de pauvreté ancré dans le temps. Quoi qu’il en soit, l’objectif de réduction (mesuré ou non par l’indicateur ancré dans le temps) ne sera pas atteint. C’est ce point crucial qui aurait pu donner lieu à une « nouvelle stratégie » à venir (c’est bien cela le PNR) pour réduire la pauvreté.
Au niveau de l’UNION EUROPEENNE, l’objectif de réduction de la pauvreté s’appuie sur trois indicateurs : l’indicateur de pauvreté ancrée dans le temps (au taux de 60% du revenu médian), les privations matérielles (5 sur une liste de 9 items) et le faible taux d’emploi. Pour les publics âgés, ce troisième indicateur n’est pas activé. Il reste donc les deux autres indicateurs. Pour l’année 2009, dernière année de référence connue, le taux de pauvreté des plus de 65 ans s’élève à 14,3% (hommes et femmes mélangées, seuls ou en couples) et le taux de privations sévères de 10,1%. Ainsi, des croisements plus fins révèleraient des taux de pauvreté plus élevés au delà de 75 ans et spécifiquement pour les femmes âgées.

2° observation : quelques approches sont trop optimistes : dire que le RSA est "un dispositif globalement efficace pour lutter contre la pauvreté" (page 30) semble excessif, de même dire que le RSA est un outil clef de l'insertion professionnelle (page 31) n'est pas suffisamment démontré à ce jour. L'absence de pris en compte des travailleurs pauvres dans cette partie du document est dommageable, car il constitue un "bataillon" croissant des personnes en situation de pauvreté.

3° observation : logement et énergie : l'efficience est en cours de réalisation pour la dynamique du "logement d'abord", mais ce processus se heurte à la faible croissance du nombre de logements sociaux et aux accompagnements indispensables à maintenir auprès des publics en difficulté. Le Dispositif DALO (Droit au Logement Opposable) a constitué une avancée dans l'identification des ménages prioritaires, mais n'arrive pas dans certaines zones à résorber les files d'attente. Le Conseil d'Etat vient par ailleurs de confirmer l'obligation de l'Etat d'organiser un hébergement d'urgence pour toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale. Là aussi, le nombre de personnes de plus de 50 ans augmente, en situation de manque d’hébergement ou de logement. L'accès aux tarifs sociaux de l'énergie, organisé de manière automatique, constitue une avancée réelle, dont il conviendra de suivre la réalisation.

4° observation : l'aide alimentaire a trouvé une solution, mais pour seulement deux ans. Les organisateurs de distributions alimentaires constatent de plus en plus de retraités (seuls ou en couple) venant les solliciter. La question de l'indexation des prestations sociales a été portée pour deux dispositifs pour personnes handicapées et retraitées (AAH et ASPA, revalorisée de 25% sur 5 ans pour des personnes seules). Bien que revalorisées, ces prestations restent toutes sous le seuil de pauvreté et ne font pas le lien avec un revenu minimum pour vivre dignement. De même, l'accès à la CMU Couverture Maladie Universelle et à l'aide à la complémentaire santé pose problème du fait de barèmes situés trop bas. Cela induit un fort taux de non recours.

5° observation : les prestations sociales destinées aux publics en difficulté et pour ce qui nous concerne, les personnes âgées (RSA, Minimum vieillesse, Accès à la CMU et à la Complémentaire Santé) restent très faibles eu égard à l’évolution du pouvoir d’achat. Si le Minimum Vieillesse a bien été réévalué de +25% en 5 ans pour les personnes seules (le montant pour les couples n’a pas bénéficié de cette évolution), force est de constater que les taux d’augmentation retenus n’ont pas permis de dépasser le seuil de pauvreté. C’est  dire que la référence à un revenu minimum pour vivre dans la dignité devient urgente. L’indexation des minima sociaux reste le talon d’Achille des politiques publiques.

Au total, le contenu de ce document est plus un exposé des dispositifs (certains d'entre eux) qu'une évaluation de leur portée. Cela est donc utile, mais pourrait être nuancé quant à leur impact sur la réduction du taux de pauvreté (à 60% du revenu médian).


Jeanpierre.bultez@gmail.com le 20 mars 2012