PNR
2012 Pauvreté et exclusion sociale : observations de JP BULTEZ
Dans le PNR 2012 , la présentation des objectifs aborde
plusieurs sujets dont la réduction d’un tiers de la pauvreté d’ici 2012, à
partir d’un point de départ de 2007. L’indicateur retenu étant le taux de
pauvreté ancré dans le temps.
Constatons que le
taux de pauvreté générale (13,5%) au seuil de 60% du revenu médian,
augmente légèrement, ce qui déjà constitue une alerte. Ensuite, si ce taux se
différencie selon les publics, il est clair que pour les personnes âgées, ce
taux présente la particularité pour les plus de 75 ans, femmes, de se situer à
un haut niveau (12,4%). Cela résulte des paramètres connus sur le sujet :
faibles cotisations des femmes, parce que faible activité durant la vie active,
dûe au marché du travail comme aux modèles professionnels, familiaux et culturels.
Ce point est déjà très documenté.
Dans la partie
modernisation Page 21, la
mention des services à la personne ne s’intéresse qu’à la partie réglementaire
et oublie la difficile situation des associations du fait des écarts entre les
tarifs pratiqués et ceux qui sont pris en charge par les aides départementales
ou locales. Nombre d’associations ont déposé le bilan et l’administration
centrale a dû mettre en place un groupe de travail sur la tarification des
services.
L’emploi des
seniors Page 24: certes le taux d’emploi augmente depuis quelques
années, en partie grâce aux mesures prises , mais dans le même temps le taux de
chômage des seniors augmente lui aussi.
Education et
formation au long de la vie Page 28 : La question des moyens de Pôle
emploi pour recevoir et accompagner des personnes durablement éloignées du marché du travail reste posée.
Outre la réorganisation entre l’ANPE et les Assedic, la question des moyens
humains d’accompagnement reste primordiale parce que largement sous
dimensionnée en France, comparée aux pays voisins.
Commentaires sur la ligne 10 du PNR :
Promouvoir l'inclusion sociale et lutter contre la pauvreté
1° observation : la pauvreté augmente (au taux de 60%
du revenu médian), même si les indicateurs habituels n'en donnent pas un reflet
très net : l'ONPES pointe une faible augmentation générale, mais un
accroissement de l'intensité de la pauvreté, ce qui veut dire que le suivi des
populations "pauvres" autour de 40% du revenu médian devient crucial
et que la question de la réversibilité des situations sera plus difficile à
résoudre à l'avenir. Le premier paragraphe mentionne l'objectif de réduction du
taux de pauvreté ancré dans le temps d'un tiers en 5 ans (2007-2012) mais ne
dit pas qu'il ne sera pas atteint, en l'état des chiffres connus. Le suivi
de l’objectif européen de réduction de la pauvreté reste compliqué quand les
références françaises s’appuient sur un objectif de réduction d’un tiers sur 5
ans, mais avec un autre indicateur, celui du taux de pauvreté ancré dans le
temps. Quoi qu’il en soit, l’objectif de réduction (mesuré ou non par
l’indicateur ancré dans le temps) ne sera pas atteint. C’est ce point crucial
qui aurait pu donner lieu à une « nouvelle stratégie » à venir (c’est
bien cela le PNR) pour réduire la pauvreté.
Au niveau de l’UNION EUROPEENNE, l’objectif de réduction de
la pauvreté s’appuie sur trois indicateurs : l’indicateur de pauvreté
ancrée dans le temps (au taux de 60% du revenu médian), les privations
matérielles (5 sur une liste de 9 items) et le faible taux d’emploi. Pour les
publics âgés, ce troisième indicateur n’est pas activé. Il reste donc les deux
autres indicateurs. Pour l’année 2009, dernière année de référence connue, le
taux de pauvreté des plus de 65 ans s’élève à 14,3% (hommes et femmes
mélangées, seuls ou en couples) et le taux de privations sévères de 10,1%.
Ainsi, des croisements plus fins révèleraient des taux de pauvreté plus élevés
au delà de 75 ans et spécifiquement pour les femmes âgées.
2° observation : quelques approches sont trop
optimistes : dire que le RSA est "un dispositif globalement efficace pour
lutter contre la pauvreté" (page 30) semble excessif, de même dire que le
RSA est un outil clef de l'insertion professionnelle (page 31) n'est pas suffisamment
démontré à ce jour. L'absence de pris en compte des travailleurs pauvres dans
cette partie du document est dommageable, car il constitue un
"bataillon" croissant des personnes en situation de pauvreté.
3° observation : logement et énergie : l'efficience
est en cours de réalisation pour la dynamique du "logement d'abord",
mais ce processus se heurte à la faible croissance du nombre de logements
sociaux et aux accompagnements indispensables à maintenir auprès des publics en
difficulté. Le Dispositif DALO (Droit au Logement Opposable) a constitué une
avancée dans l'identification des ménages prioritaires, mais n'arrive pas dans
certaines zones à résorber les files d'attente. Le Conseil d'Etat vient par
ailleurs de confirmer l'obligation de l'Etat d'organiser un hébergement
d'urgence pour toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse
médicale, psychique et sociale. Là aussi, le nombre de personnes de plus de 50
ans augmente, en situation de manque d’hébergement ou de logement. L'accès aux
tarifs sociaux de l'énergie, organisé de manière automatique, constitue une
avancée réelle, dont il conviendra de suivre la réalisation.
4° observation : l'aide alimentaire a trouvé une
solution, mais pour seulement deux ans. Les organisateurs de distributions
alimentaires constatent de plus en plus de retraités (seuls ou en couple)
venant les solliciter. La question de l'indexation des prestations sociales a
été portée pour deux dispositifs pour personnes handicapées et retraitées (AAH
et ASPA, revalorisée de 25% sur 5 ans pour des personnes seules). Bien que
revalorisées, ces prestations restent toutes sous le seuil de pauvreté et ne
font pas le lien avec un revenu minimum pour vivre dignement. De même, l'accès
à la CMU Couverture Maladie Universelle et à l'aide à la complémentaire santé pose
problème du fait de barèmes situés trop bas. Cela induit un fort taux de non
recours.
5° observation : les prestations sociales
destinées aux publics en difficulté et pour ce qui nous concerne, les personnes
âgées (RSA, Minimum vieillesse, Accès à la CMU et à la Complémentaire Santé)
restent très faibles eu égard à l’évolution du pouvoir d’achat. Si le Minimum
Vieillesse a bien été réévalué de +25% en 5 ans pour les personnes seules (le
montant pour les couples n’a pas bénéficié de cette évolution), force est de
constater que les taux d’augmentation retenus n’ont pas permis de dépasser le
seuil de pauvreté. C’est dire que la
référence à un revenu minimum pour vivre dans la dignité devient urgente.
L’indexation des minima sociaux reste le talon d’Achille des politiques
publiques.
Au total, le contenu de ce document est plus un exposé des
dispositifs (certains d'entre eux) qu'une évaluation de leur portée. Cela est
donc utile, mais pourrait être nuancé quant à leur impact sur la réduction du
taux de pauvreté (à 60% du revenu médian).