Quels moyens face à la crise sociale ?
La crise, les augmentations de tarifs, ont conduit les
publics les plus vulnérables à des comportements nouveaux et inquiétants. Telle
personne vivant d’une modeste pension de réversion, voyant ses factures
d’énergie chaque fois plus élevée, s’est résolue à « manger dans le
noir » pour réduire sa facture
d’électricité, comme à fermer ses volets en plein hiver pour réduire ses pertes
de chaleur. Comportements marginaux certes, mais combien révélateurs.
Au delà des attitudes individuelles, voilà maintenant que
les organisations en charge de la solidarité nationale se voient imposées des
réductions budgétaires sans concertation préalable, au moment où les
« réformes structurelles » annoncées sont engagées.
A la veille de la rentrée sociale et politique, force est de
constater qu’en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, les
dossiers sont bloqués ou obligent à des changements radicaux.
L’absence de
logements sociaux face aux besoins et aux demandes des centres
d’hébergement !
Depuis deux ans un ministre met en chantier un programme ambitieux appelé ‘refondation’, pour placer le logement en premier, plutôt que l’hébergement, d’où le slogan « le logement d’abord !) (en anglais Housing first)
Depuis deux ans un ministre met en chantier un programme ambitieux appelé ‘refondation’, pour placer le logement en premier, plutôt que l’hébergement, d’où le slogan « le logement d’abord !) (en anglais Housing first)
Les acteurs de
terrain sont d’accord sur l’objectif, le travail s’engage avec les services
de l’Etat, tout avance mais les financements n’arrivent plus, une procédure se
met en place pour que les associations signent des contrats où l’on demande de
faire sur 12 mois avec des crédits calculés sur 10 mois. Ce qui conduira à des fins d’activité, voire des non
renouvellement de contrats de travail. Les associations réagissent et refusent
de rentrer dans ce jeu. Rendez-vous avec les préfets, les sous préfets, rien
n’y fait!
La force du donneur
d’ordre s’oppose au droit. Les
projets associatifs sont oubliés, faisant le lit de la vie
associative orientée sur les besoins, oubliant les promesses de travailler
progressivement avec un ajustement des projets. La résistance des associations s‘organise, avec d’autres
réseaux : syndicats de salariés alertés, secteur de l’IAE, centres
sociaux, missions locales … Car tous les
secteurs financés par l’Etat mettent en évidence les resserrements des budgets
et l’abandon de plusieurs pans des politiques publiques.
La confiance est
perdue entre les associations d’hébergement et d’accueil, et l’Etat. Le
Premier ministre propose à nouveau de se revoir, à la rentrée, évoque des aides
financières, notamment le paiement des agios bancaires payés par les associations,
qui à fin juin n’ont toujours rien reçu, pour des actions démarrées en janvier.
Les propos du ministre rappelant que l’on a créé + 28% de
places depuis 5 ans dans les centres d’hébergement soit 115 000 actuellement, que
le logement social via les PLAI est en hausse, n’y font rien. Car, tout le
monde le sait, il n’y a pas de logement social pour les publics accueillis et
les freins à l’inconditionnalité de l’accueil dans les structures sont reçues
comme autant d’obstacles à l’éthique associative, qui est d’accompagner,
inlassablement, en partant des personnes et non des impératifs budgétaires. Les
manifestations du SAMU social à Paris et des « 115 » sur le même
registre des coupes budgétaires manifestent bien l’incompréhension des acteurs
de terrain.
Les associations s’interrogent : ne s’agit-il pas de
« casser » l’outil d’accueil et d’hébergement en place et sa
cohérence, au seul profit d’une orientation budgétaire. Des assises régionales
sont annoncées au dernier trimestre pour lancer des
« expérimentations » sur cette articulation entre hébergement et
« logement d’abord », cela suffira-t-il ?
Le RSA est-il
réformable ?
Le nombre d’allocataires du RSA
« socle » (l’ex RMI) augmente, mais les entrées/sorties dans le dispositif
se révèlent plus importantes que prévues. Le RSA est-il le bon outil en temps
de crise, quand l’emploi (et lequel) n’est plus là, quand l’insertion
professionnelle est elle même en rade, quand le logement social est trop peu
fluide ?
Le RSA, voulu comme un outil moderne et efficace pour tous
ceux voulant s’insérer et entrer dans l’emploi est en panne. Depuis sa
création, la dichotomie entre insertion sociale et insertion professionnelle
fait problème. Tous les acteurs associatifs s’accordaient à demander qu’une
priorité soit accordée à l’accès à l’emploi. Mais les chamboulements à Pôle
Emploi et l’absence de moyens d’accompagnement qui soient dédiés aux publics
fragiles ont réduit fortement l’efficacité de cette orientation. Et la
« crise » a fait se réduire les chances de trouver quelque forme
d’emploi que ce soit.
Plus fondamentalement, le schéma consistant à faire se
succéder insertion sociale puis insertion professionnelle, comme une fin en
soi, construit une approche très stricte
et finalement limitative. Il s’agit de « lever les freins à
l’emploi ». Il suppose que les parcours soient linéaires, voire réguliers
et progressifs, ce qui est loin d’être le cas, les « aller-retour »
étant fréquents. Il s’agirait donc plutôt d’organiser la coopération entre
acteurs des accompagnements au long des parcours, de manière souple et
attentive.
Dès lors, les Conseils généraux sont-ils confrontés à de
profonds dilemmes. Faut-il rétablir des « passerelles » entre
services sociaux du Conseil général et Pôle Emploi ou carrément revoir le
modèle et les parcours destinés aux personnes vulnérables. Car il est bien
clair que l’orientation vers Pôle Emploi uniquement sur critère administratif
et déclaratif est un leurre si aucun dialogue n’a lieu rapidement avec les
personnes sur leurs réelles capacités à se mettre en recherche d’emploi.
Car finalement, de la Cour des Comptes à tous les travaux
départementaux, quels que soient les parcours d’insertion, quels que soient les
publics, il faut partir des besoins des personnes et non des offres
d’insertion. C’est la capacité d’adaptation et de personnalisation des réponses
(dans une co-construction) qui fait la réussite du système. Toute orientation
mal faite éloigne les bénéficiaires des solutions durables. Et les constats
sont là : les « perdus de vue » deviennent de plus en plus
nombreux, ce qui constitue un réel échec pour tous les acteurs impliqués dans
un dispositif se voulant au service de la cohésion sociale.
Il y a donc matière pour les départements à mener une action
plus territorialisée, où les acteurs se connaissent, où les personnes
bénéficiaires peuvent se faire entendre, dans des fora organisés à cet effet, à
l’image des processus participatifs en place pour tous les citoyens.
A la vulnérabilité des personnes et familles, il faut
opposer la « concentration et la cohérence » des moyens
institutionnels, rétablir peut-être les « guichets uniques » pour
l’accueil des « nouvelles » personnes en mal d’insertion (réunissant CAF,
Etat, Département). Cela permettrait à minima une vision globale des
difficultés et des opportunités, du parcours à réaliser, avec de ce fait une
contractualisation plus efficace. L’engagement dans des démarches actives
d’insertion suppose un ‘tempo’ rapide et soutenu, avec un pilote et une communication
bien organisée, laissant place aussi à l’expression des allocataires à tous les
stades du parcours.
Le dispositif a mis en place des
« référents RSA », succédant aux référents généralistes de
parcours (dans le département du Nord). Nul doute que le « métier » a
changé et mérite que l’on s’interroge sur les missions et nouvelles formes de
collaborations et partenariats à construire sur les territoires. S’appuyer sur
les Plans locaux de développement pour l’insertion, avec des acteurs diversement
engagés qu’il faut mobiliser est un réel challenge, différent de celui vécu
dans le dispositif RMI où l’on se « contentait » d’une logique
d’offre.
Une conférence nationale sur le RSA est prévue avant la fin
de l’année. Les acteurs associatifs seront attentifs aux évolutions proposées,
à la mobilisation des bénéficiaires, à l’analyse des « bonnes
pratiques » déjà à l’œuvre. Car l’enjeu est colossal si l’on veut faire de
ce dispositif un véritable lien entre des publics fragiles, qui n’attendent que
de la stabilité, et un marché du travail de plus en plus incertain.
Publié dans Le Pont des Associations URIOPSS Nord Pas de
Calais sept 2011
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