mercredi 4 janvier 2012

Quels moyens face à la crise sociale ? (sept 2011)


Quels moyens face à la crise sociale ?
La crise, les augmentations de tarifs, ont conduit les publics les plus vulnérables à des comportements nouveaux et inquiétants. Telle personne vivant d’une modeste pension de réversion, voyant ses factures d’énergie chaque fois plus élevée, s’est résolue à « manger dans le noir » pour réduire  sa facture d’électricité, comme à fermer ses volets en plein hiver pour réduire ses pertes de chaleur. Comportements marginaux certes, mais combien révélateurs.
Au delà des attitudes individuelles, voilà maintenant que les organisations en charge de la solidarité nationale se voient imposées des réductions budgétaires sans concertation préalable, au moment où les « réformes structurelles » annoncées sont engagées.
A la veille de la rentrée sociale et politique, force est de constater qu’en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, les dossiers sont bloqués ou obligent à des changements radicaux.
L’absence de logements sociaux face aux besoins et aux demandes des centres d’hébergement !
Depuis deux ans un ministre met en chantier un  programme ambitieux appelé ‘refondation’, pour placer le logement en premier, plutôt que l’hébergement, d’où le slogan « le logement d’abord !)  (en anglais Housing first)
Les acteurs de terrain sont d’accord sur l’objectif, le travail s’engage avec les services de l’Etat, tout avance mais les financements n’arrivent plus, une procédure se met en place pour que les associations signent des contrats où l’on demande de faire sur 12 mois avec des crédits calculés sur 10 mois. Ce qui  conduira à des fins d’activité, voire des non renouvellement de contrats de travail. Les associations réagissent et refusent de rentrer dans ce jeu. Rendez-vous avec les préfets, les sous préfets, rien n’y fait!
La force du donneur d’ordre s’oppose au droit.  Les projets associatifs sont oubliés, faisant le lit de la vie associative orientée sur les besoins, oubliant les promesses de travailler progressivement avec un ajustement des projets. La résistance des associations s‘organise, avec d’autres réseaux : syndicats de salariés alertés, secteur de l’IAE, centres sociaux, missions  locales … Car tous les secteurs financés par l’Etat mettent en évidence les resserrements des budgets et l’abandon de plusieurs pans des politiques publiques.
La confiance est perdue entre les associations d’hébergement et d’accueil, et l’Etat. Le Premier ministre propose à nouveau de se revoir, à la rentrée, évoque des aides financières, notamment le paiement des agios bancaires payés par les associations, qui à fin juin n’ont toujours rien reçu, pour des actions démarrées en janvier.
Les propos du ministre rappelant que l’on a créé + 28% de places depuis 5 ans dans les centres d’hébergement soit 115 000 actuellement, que le logement social via les PLAI est en hausse, n’y font rien. Car, tout le monde le sait, il n’y a pas de logement social pour les publics accueillis et les freins à l’inconditionnalité de l’accueil dans les structures sont reçues comme autant d’obstacles à l’éthique associative, qui est d’accompagner, inlassablement, en partant des personnes et non des impératifs budgétaires. Les manifestations du SAMU social à Paris et des « 115 » sur le même registre des coupes budgétaires manifestent bien l’incompréhension des acteurs de terrain.
Les associations s’interrogent : ne s’agit-il pas de « casser » l’outil d’accueil et d’hébergement en place et sa cohérence, au seul profit d’une orientation budgétaire. Des assises régionales sont annoncées au dernier trimestre pour lancer des « expérimentations » sur cette articulation entre hébergement et « logement d’abord », cela suffira-t-il ?
Le RSA est-il réformable ?
Le nombre d’allocataires du RSA « socle » (l’ex RMI) augmente, mais les entrées/sorties dans le dispositif se révèlent plus importantes que prévues. Le RSA est-il le bon outil en temps de crise, quand l’emploi (et lequel) n’est plus là, quand l’insertion professionnelle est elle même en rade, quand le logement social est trop peu fluide ?
Le RSA, voulu comme un outil moderne et efficace pour tous ceux voulant s’insérer et entrer dans l’emploi est en panne. Depuis sa création, la dichotomie entre insertion sociale et insertion professionnelle fait problème. Tous les acteurs associatifs s’accordaient à demander qu’une priorité soit accordée à l’accès à l’emploi. Mais les chamboulements à Pôle Emploi et l’absence de moyens d’accompagnement qui soient dédiés aux publics fragiles ont réduit fortement l’efficacité de cette orientation. Et la « crise » a fait se réduire les chances de trouver quelque forme d’emploi que ce soit.
Plus fondamentalement, le schéma consistant à faire se succéder insertion sociale puis insertion professionnelle, comme une fin en soi,  construit une approche très stricte et finalement limitative. Il s’agit de « lever les freins à l’emploi ». Il suppose que les parcours soient linéaires, voire réguliers et progressifs, ce qui est loin d’être le cas, les « aller-retour » étant fréquents. Il s’agirait donc plutôt d’organiser la coopération entre acteurs des accompagnements au long des parcours, de manière souple et attentive.
Dès lors, les Conseils généraux sont-ils confrontés à de profonds dilemmes. Faut-il rétablir des « passerelles » entre services sociaux du Conseil général et Pôle Emploi ou carrément revoir le modèle et les parcours destinés aux personnes vulnérables. Car il est bien clair que l’orientation vers Pôle Emploi uniquement sur critère administratif et déclaratif est un leurre si aucun dialogue n’a lieu rapidement avec les personnes sur leurs réelles capacités à se mettre en recherche d’emploi.
Car finalement, de la Cour des Comptes à tous les travaux départementaux, quels que soient les parcours d’insertion, quels que soient les publics, il faut partir des besoins des personnes et non des offres d’insertion. C’est la capacité d’adaptation et de personnalisation des réponses (dans une co-construction) qui fait la réussite du système. Toute orientation mal faite éloigne les bénéficiaires des solutions durables. Et les constats sont là : les « perdus de vue » deviennent de plus en plus nombreux, ce qui constitue un réel échec pour tous les acteurs impliqués dans un dispositif se voulant au service de la cohésion sociale.
Il y a donc matière pour les départements à mener une action plus territorialisée, où les acteurs se connaissent, où les personnes bénéficiaires peuvent se faire entendre, dans des fora organisés à cet effet, à l’image des processus participatifs en place pour tous les citoyens.
A la vulnérabilité des personnes et familles, il faut opposer la « concentration et la cohérence » des moyens institutionnels, rétablir peut-être les « guichets uniques » pour l’accueil des « nouvelles » personnes en mal d’insertion (réunissant CAF, Etat, Département). Cela permettrait à minima une vision globale des difficultés et des opportunités, du parcours à réaliser, avec de ce fait une contractualisation plus efficace. L’engagement dans des démarches actives d’insertion suppose un ‘tempo’ rapide et soutenu, avec un pilote et une communication bien organisée, laissant place aussi à l’expression des allocataires à tous les stades du parcours.
Le dispositif a mis en place des « référents RSA », succédant aux référents généralistes de parcours (dans le département du Nord). Nul doute que le « métier » a changé et mérite que l’on s’interroge sur les missions et nouvelles formes de collaborations et partenariats à construire sur les territoires. S’appuyer sur les Plans locaux de développement pour l’insertion, avec des acteurs diversement engagés qu’il faut mobiliser est un réel challenge, différent de celui vécu dans le dispositif RMI où l’on se « contentait » d’une logique d’offre.
Une conférence nationale sur le RSA est prévue avant la fin de l’année. Les acteurs associatifs seront attentifs aux évolutions proposées, à la mobilisation des bénéficiaires, à l’analyse des « bonnes pratiques » déjà à l’œuvre. Car l’enjeu est colossal si l’on veut faire de ce dispositif un véritable lien entre des publics fragiles, qui n’attendent que de la stabilité, et un marché du travail de plus en plus incertain.
Publié dans Le Pont des Associations URIOPSS Nord Pas de Calais sept 2011

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