Positionnement de
l’Uriopss Nord – Pas de Calais
RSA : sanctions
vis-à-vis des allocataires ne respectant pas les obligations légales de
contractualisation et/ou d’engagements dans un parcours d’insertion vers
l’emploi
Préambule
La généralisation du RSA a fait
l’objet de nombreuses prises de position des réseaux associatifs dès son
expérimentation et principalement après l’adoption de la Loi du 1er
décembre 2008 ou au moment de sa généralisation en juin 2009 : abandon
d’une approche globale des individus et de l’accompagnement social, césure
entre le professionnel et le social, système d’orientation et moyens dévolus au
Pôle emploi, niveau du montant de l’allocation, participation des allocataires,
etc.
L’Uriopss Nord – Pas de Calais a
aussi fait le choix d’adopter en lien avec ses représentants dans les instances
locales d’insertion, et en particulier dans les équipes pluridisciplinaires du
département du Nord où l’Union participe, une position de principe quant aux
sanctions économiques touchant des allocataires du RSA ne respectant pas le
système de droits et devoirs mis en œuvre par la Loi.
Cette position est claire : l’Union s’oppose à tout mode de
sanction visant à réduire le montant ou à suspendre le versement de
l’allocation, sauf dans l’hypothèse de fraudes avérées.
Analyse des constats
Pour l’Uriopss Nord – Pas de
Calais, cette position prend sa source à travers l’analyse de plusieurs
constats :
-
Le niveau
de ressources des allocataires se situe déjà en dessous du seuil de pauvreté.
Il ne nous paraît pas acceptable, a fortiori en temps de crise sociale et
économique, de venir diminuer des ressources qui ne sont déjà pas suffisantes
pour vivre dignement. Le RSA constitue le dernier rempart contre la grande
pauvreté et l’errance et permet à de nombreuses familles de pouvoir réunir le
strict minimum nécessaire à l’éducation d’enfants par exemple. Diminuer ou
supprimer l’allocation produirait dès lors des effets par ricochet sur les
familles des allocataires concernés.
-
Cohérence
globale du dispositif et inégalité de traitements entre allocataires :
si le RSA activité représente une avancée intéressante dans la lutte contre la
pauvreté, la mise en œuvre du droit à l’accompagnement social prévu par la loi
ne paraît aujourd’hui pas satisfaisante pour les associations. En effet, la
dissociation entre le social et le professionnel et le rôle central du Pôle
emploi aux moyens pourtant limités (simple suivi des allocataires provoquant
des ruptures d’accompagnement, des modes
d’accompagnement inadaptés et globalement une forte incompréhension du
dispositif) ne favorisent pas un bon fonctionnement du dispositif. A ce titre,
la bonne compréhension de leurs devoirs par les allocataires ne semble pas
certaine et même si nous constatons très souvent un regard « humain » des
Conseils généraux dans l’analyse des situations individuelles, la Loi ne peut
garantir les allocataires contre « l’arbitraire ». Par ailleurs, il
semblerait que les allocataires orientés vers le Pôle emploi « échappent »
au contrôle des obligations légales, les transferts de données entre les
Conseils généraux et le Pôle emploi n’étant pas opérationnels. Cela conduit dès
lors à une inégalité de traitement, car seuls les allocataires dont le Conseil
général peut vérifier le respect de leurs obligations (ceux orientés vers le
social) sont susceptibles d’être sanctionnés.
-
Le
principe d’une sanction économique pour les allocataires ne respectant pas
leurs devoirs représente une approche des difficultés des personnes appréciées
sous un angle purement individuel, où l’allocataire engage sa
responsabilité individuelle dans le traitement des causes de son exclusion
sociale. Cette approche idéologique ne nous paraît pas pertinente dans la lutte
contre la pauvreté et au contraire fragilise la cohésion sociale.
-
L’aspect
pédagogique et re-mobilisateur de la sanction économique ne nous semble pas
pertinent dans le cadre d’une approche de travail social. Une approche
globale des problématiques de la personne (à travers par exemple des visites à domicile ou encore
des temps d’actions collectives) nous semble plus adaptée pour recréer du lien
avec l’allocataire ne répondant plus. En outre, une diminution des ressources
aurait pour conséquence très probable une aggravation des difficultés de
l’allocataire et dès lors l’engagement de moyens humains et financiers plus
important à moyen terme.
Complément
JP Bultez
L’approche
proposée d’une sanction semble considérer que le contrat ayant été engagé par
les deux parties, si l’une d’entre elle (la personne en insertion) ne satisfait
pas ou plus à ses engagements, ce serait elle qui devrait être sanctionnée.
Comme si les termes d’un contrat mettraient les acteurs à égalité. Nous savons
bien que ce n’est pas le cas. S’il y a sanction, il faut aussi pouvoir sanctionner
l’autre partenaire (Pole emploi ou CG) qui n’a pas forcément satisfait aux
termes du contrat.
Le niveau
des ressources : réduire ou supprimer cette allocation de base pose une
question éthique : alors que le « non-recours » est plutôt élevé
en France (CISS, RSA, …), engager toute forme de réduction conduit à réduire
voire supprimer les avantages annexes (tarifs cantines, tarifs transports en
communs basés sur les allocations perçues) et à conduire vers l’extrême
pauvreté. Qui peut raisonnablement dire que l’on a tout fait pour tenir les
termes d’un CER, des deux côtés ?
Qui peut
dire qu’une personne n’ayant plus l’allocation RSA, continuera à être
accompagnée ? le seul moyen de poursuivre un accompagnement, c’est parce
qu’il y a une allocation.
Aller
vers la réduction ou la suppression de l’allocation, outre la
« désaffiliation » qui s’en suivrait, ne peut que construire une
nouvelle forme de marginalité, créée par le système RSA, alors que son objectif
est inverse.
Je suis
opposé à cautionner toute forme de réduction ou suppression, même temporaire de
l’allocation.
Aller
dans ce sens sera aussi mettre les bénévoles et les allocataires présents dans
les Equipes pluridisciplinaires à vivre un conflit de devoirs, bien
insupportables. Y résisteront-ils ?
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