Implication
et participation des personnes âgées dans la société
Intervention de
Jean Pierre Bultez au CESE le 5 juin 2012
Commençons par une
présentation personnelle :
Je suis retraité depuis 5 ans, après 42 ans de travail dans
trois organisations professionnelles (une dans le pétrole et ensuite dans deux
ONG). Je suis bénévole dans une ONG d’accompagnement de personnes âgées isolées
et démunies (les petits frères des Pauvres), notamment dans une action de
relogement et d’amélioration de l’habitat. Je participe aux travaux du réseau
AGE en France et au plan européen.
Au plan personnel, je suis marié et ai encore à la maison 2
enfants d’âge scolaire. Mon père a 91 ans, avec une mobilité réduite, mais il
reste à son domicile. J’ai des enfants et petits enfants et dans quelques
années, nous serons donc 5 générations vivantes.
Cette question de la participation des personnes âgées, bien
que posée depuis plusieurs décennies, en lien probablement avec l’urbanisation
de nos sociétés, interroge sur plusieurs plans : celui
- de
l’individu (suis-je un acteur participatif de/dans la vie sociale ?
sachant que dans les populations de plus de 60 ans , il y a plusieurs types de
vieillissement et de nombreuses catégories de retraités),
- du
collectif dans lequel il s’insère (quartier, ville, entreprise, associations de
citoyens…)
- des
politiques publiques locales ou nationales pour lesquelles les citoyens devraient
avoir leur mot à dire.
1 Participer dans la société est un ACTE SOCIAL ACTIF et PASSIF :
Les effets de la participation sociale sont connus, et je
les ressens pleinement :
- valorisation des personnes :
fierté de s’exprimer, meilleure autonomie, confiance en soi, changement de
regard pour soi même, compréhension de son environnement, transmissions,
conduisant pour les autorités
locales publiques ou les décideurs à
-
comprendre le rôle de chaque acteur et la
force vive ainsi valorisée, tout autant qu’à éviter l’exclusion sociale de
certains.
On peut donc
comprendre que les Personnes Agées soient recherchées comme participantes,
dans différentes instances de consultation et d’élaboration d’avis, cela
satisfaisant à la fois les personnes invitées et les institutions qui les
consultent. En France existent des Conseils d’Ainés, au plan municipal,
départemental et national. Ce sont essentiellement des représentations
d’organisations de retraités, mais commencent à apparaître un
« recrutement » de personnes retraitées sur simple appel à candidature.
Si l’engagement et la participation des personnes a du SENS,
c’est bien pour en voir les effets positifs, concrets, visibles, comme un
élément du dialogue entre les âges, comme une
pièce du DILALOGUE CIVIL et POLITIQUE.
Car au fond, l’implication des personnes âgées dans la
société passe par un renouvellement de l’intérêt mutuel entre citoyens et
responsables locaux à nouer de moments d’expression et peut-être de
co-construction. Il s’agit de briser cette coupure du « eux » et
« nous ».
Dans les sociétés vieillissantes de l’UE, ce courant
novateur est à structurer, en s’appuyant sur les réseaux de citoyens, les
associations d’entraide. Ainsi une société pour tous les âges retrouvera avec
toutes les générations de nouvelles formes de dialogue et de solidarités.
Attention aux risques
conduisant à ne prendre en compte que la parole de certains courants de
retraités, organisés pour cela. La participation de TOUS les citoyens âgés
n’est pas totalement acquise.
2 La participation des personnes âgées et leur implication ne
passent-elles pas par leur accompagnement ?
Tout le monde s’accorde sur la tranche des seniors, actifs,
mobiles, engagés, mettant leurs compétences au service de nobles causes. Mais
au delà de 75 ans, les facteurs d’isolement, de repli sur soi, de moindre
appétence à une vie collective, les questions de santé, se font jour. Et enfin,
au delà des 85-90 ans, l’intérêt s’émousse pour un engagement social.
Il s’agit à la fois de « mobiliser », de
« remobiliser » des personnes et leurs entourages familiaux, amicaux
et de « sensibiliser » des « voisinages » à ces situations.
Dans l’emploi par exemple, faut-il y rester, amis comment. Un accompagnement
est nécessaire.
L’accompagnement par
les citoyens est primordial d’autant que les familles s’éloignent, se
dispersent. Un renouveau d’une société solidaire, entre les générations est à
construire.
En accompagnant des personnes très âgées au bureau de vote,
à la réunion de quartier, à la séance de noël et au repas, les citoyens de tous
âges tissent des liens dont ils seront eux mêmes un jour bénéficiaires. Une
personne a qui l’on parle, parle elle même à d’autres. Voilà le lien social à
entretenir. Car c’est bien de PAROLES et d’EXPRESSION dont les êtres humains
ont besoin, pour elles mêmes et pour les autres.
Les politiques publiques
d’appui aux réseaux locaux peuvent y aider. Car sinon, les personnes vont
s’isoler, restreindre leurs relations et se cantonner à des espaces de plus en
plus réduits. Le rôle des TIC est à prendre en compte sérieusement.
C’est ce travail que nous menons dans l’association des
petits frères des Pauvres, par la mobilisation de bénévoles qui régulièrement
visitent et accompagnent les personnes isolées.
3 Devant quels enjeux sont nos sociétés pour faire vivre cette implication
et participation des personnes âgées ?
Retenons que le 1°
enjeu est de viser une implication de tous, quel que soit l’âge. Ne
discriminons pas entre les âges. Le réseau AGE a développé des pédagogies à cet
effet. Que ce soit à l’intention des pouvoirs locaux ou des associations de
terrain qui n’ont pas forcément à l’œuvre de tels processus. Les processus
participatifs méritent d’être soutenus.
Dans la stratégie de Lisbonne de 2000 à 2010, les Plans
Nationaux d’Action pour l’Inclusion prévoyaient un chapitre sur la
participation. Aujourd’hui, dans les nouveaux PNR et PSN (Programmes Nationaux
de Réforme et Programme Social National), rien n’est demandé aux Etats en
dehors du suivi des indicateurs mis en place sur la décennie. C’est dommage.
Le 2° enjeu est de
valoriser ces expressions et engagements des citoyens âgés, comme une
ressource à mobiliser, que ce soit dans des « conseils d’ainés », des
comités locaux de personnes âgées, les medias, au profit du « bien
commun ». Il ne s’agit pas de créer des comités « alibis » mais
de tisser autrement l’élaboration des politiques publiques. En France, la
« semaine bleue » est un bon exemple de mobilisation et de
valorisation.
Le 3° enjeu est de
créer des ALLIANCES entre tous les types d’organisations et d’acteurs (des entreprises
au pouvoirs politiques, des écoles aux centres de loisirs, etc, …) pour que
cette ressource participative apparaisse contributive d’un mode de
fonctionnement de notre société. C’est le rôle des pouvoirs locaux (dans
une vision dynamique de la démocratie participative) et des organisations
d’ainés que de s’y consacrer. En matière d’emploi et de cumul
emploi/retraite, la réflexion avec des entreprises et des associations de
retraités est indispensable.
Des espaces de DIALOGUE apparaissent plus indispensables que
jamais, réunissant tous les âges, et par la même, des personnes âgées, voire
très âgées.
Cette Année Européenne
2012 nous aide à renforcer ces idées et à mobiliser les énergies pour aller de
l’avant.
4 juin 2012
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