mercredi 1 février 2012


La paupérisation des personnes âgées (2/3)

Le 13 janvier 2012
Une tribune de Jean-Pierre Bultez, représentant de l'association les petits frères des Pauvres au sein des réseaux EAPN et AGE platform Europe, parue dans La revue du CLEIRPPA (cahier n°44) de novembre 2011, qui constate la dégradation des conditions de vie d'un nombre croissant de personnes âgées. (2/3)

Les conséquences de cette paupérisation sur la vie au quotidien

La hausse des prix de l'énergie
La précarité énergétique conduit nombre de personnes vivant de faibles ressources à des comportements inquiétants. Nous savons que les personnes âgées chauffent un peu plus leur logement que les actifs. Lors de groupes de parole animés par des bénévoles des Petits frères des Pauvres à Lille, des personnes ont témoigné: pour pouvoir payer les factures d'électricité et de gaz, elles mangeaient dans le noir le soir et, l'hiver, pour réduire les pertes de chaleur, elles fermaient leurs volets en plein jour. Ces conduites marginales interpellent sur la stagnation de certains des minimas sociaux et l'envolée des prix. L'accès à l'énergie est pourtant un droit fondamental.
Mais c'est souvent le logement qui est mal isolé. Les dispositifs pour améliorer l'isolation et donc réduire la consommation sont peu accessibles aux plus démunis. Si l'on arrive à réduire sa consommation, cela a aussi des conséquences en matière de santé. Dès lors, que faire quand les tarifs sont en hausse continue? Les dispositifs sociaux pour accéder à l'énergie (tarif de première nécessité pour l'électricité, le tarif social gaz pour GDF Suez) n'atteignent pas les personnes en ayant le plus besoin, l'arrivée des nouveaux fournisseurs non astreints à ces aides ne simplifiant pas la situation. Le non-recours est élevé (50% de la cible) et le montant attribué reste faible. La moyenne de l'aide annuelle accordée par le fournis· seur ERDF est de 88 euros et GDF Suez vient de monter l'aide à 142 euros par an.
Une alimentation a minima
Les personnes disposant de ressources sous le seuil de pauvreté vont maîtriser leurs dépenses alimentaires en ne consommant que des produits à faible prix, souvent de magasins "discount". L'alimentation est répétitive, sans innovation ni créativité. Il s'agit plus de "manger" que de "se nourrir". La table n'est plus le lieu de la convivialité, elle devient la table de l'isolement. Le développement des distributions alimentaires (notamment l'hiver) et des magasins "pédagogiques" concerne plus de personnes âgées qu'il y a quelques années (2).

Les logements seront-ils adaptables ?

Qui peut raisonnablement préparer cette adaptation ? Outre les moyens financiers, les locataires doivent obtenir l'accord des propriétaires, ce qui constitue autant de freins à la prévention. Les subventions qui existent ne couvrent pas tous les frais réels et les procédures sont lourdes. L'accès à un emprunt rencontre l'obstacle des limites d'âge (celle de 75 ans) souvent mises en avant par les organismes financiers pour refuser le prêt, à moins d'avoir des garants. Pour nombre de personnes vivant de petites ressources, inutile de dire que tout cela est insurmontable. Pourtant," rester chez soi" est une demande de toutes les personnes âgées. Des communes en prennent acte dans leurs Plans Locaux d'Urbanisme, en établissant une mixité des publics dans les programmes.
Accès aux soins et dépendances : un horizon incertain
Avec l'APA, prestation lancée depuis quelques années, on a vu monter le nombre de personnes en perte d'autonomie. Le système mis en place articulait une mesure de la perte d'autonomie et un plan d'aide. Les personnes à faibles ressources, ayant moins de 1000 €/mois, représentent près de 40% des bénéficiaires.
Les soins de longue durée en établissement pour personnes âgées dépendantes posent la question de la prise en charge financière. Ce point n'est pas négligeable car le reste à charge reste élevé, hors de portée des personnes pour ce qui touche aux frais d'hébergement. Comment, dès lors, éviter le ''non-recours". les personnes n'ayant pas envie de vendre leur maigre patrimoine, quand il existe, et ne souhaitant pas peser sur leurs descendants au titre des obligés alimentaires ? Problème difficile, qui pousse des personnes à revenir à leur domicile inconfortable après quelques mois passés en établissement.
Toutes les solutions qui seront proposées se heurteront à la faible solvabilité des personnes âgées.
L'accès aux soins reste une question délicate. Si la CMU (Couverture Maladie Universelle) existe, elle n'est pas accessible aux personnes vivant du « minimum vieillesse », les repoussant vers les mutuelles, jugées coûteuses et à remboursements faibles. D'où un "retrait" quant aux soins, alimenté aussi par les refus de certains praticiens, les franchises, les dépassements d'honoraires, la carte sanitaire ...

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